7ven : la création par l'émotion

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7ven, c'est un grand sourire, une bonne dose de joie de vivre, et une grande humilité. Mais malgré sa discrétion, ne vous y trompez pas : il fait partie des danseurs jamaïcains les plus influents dans le monde de la dancehall à l'heure actuelle. Depuis un an, il a quitté le soleil de Kingston pour résider à Paris, afin d'enseigner cette danse dans sa dimension la plus traditionnelle. Rencontre.

Une enfance entourée de talents

La dancehall est une danse méconnue, et souvent altérée dans l'univers commercial. Mais en réalité, elle est née dans les rues de Kingston, et des groupes de danseurs créent ses pas depuis plusieurs générations. Le développement des réseaux sociaux a permis à ces groupes et à leurs pas de devenir mondialement connus.

7ven est l'un de ces danseurs. "J'ai commencé à danser très jeune, car je vivais à proximité de tous les danseurs de dancehall les plus emblématiques," nous confie-t-il. "Bogle était juste au coin de la rue, KillerBean était à quelques patés de maisons, tout comme Shelly Belly et MOB." Cependant à cette époque, apprendre auprès des danseurs n'était pas si facile qu'aujourd"hui. "Il n'y avait pas cette culture des cours de danse et des tournées internationales au moment. Parfois les danseurs nous laissaient nous entraîner un peu avec eux, d'autres étaient moins accessibles et j'apprenais juste en les observant."

Oser se lancer

En 2010, il commence à s'entraîner avec un ami à lui, Keemo. "Nous nous sommes lancé le défi de participer au concours de talents du lycée. C'était un concours toutes disciplines confondues, dans lequel concouraient de très talentueux artistes. Et nous l'avons remporté !" La danse occupait déjà une grande place dans sa vie, mais il prend conscience à ce moment là qu'elle a peut-être encore plus à lui offrir. "Nous avons réalisé que nous avions nos chances de tenter une carrière professionnelle dans la danse." Il fonde alors son premier groupe Eqqanoxx, avec lequel il initie sa notoriété, jusqu'à leur séparation quelques années plus tard. A ce moment là, 7ven se remet en question et traverse une période de doutes. "C'est alors que les artistes que j'admirais le plus sont venus me soutenir et me dire de ne pas lâcher. J'ai fondé mon groupe actuel, Kriptic Klique, en 2016."  

L'émotion comme moteur de création

Une vraie cohésion anime la collaboration des Kriptic Klique. "Parfois on peut créer le pas seul, parfois ensemble. D'autres fois, on crée sous forme de blocs, c'est à dire que l'un propose une base et les autres apportent d'autres idées, pour que cela aboutisse sur un pas complet." 

Selon lui, la création est un processus basé sur ce que l'on ressent. "Lorsque tu crées quelque chose à partir de ton expérience, une personne qui vit la même chose se reconnaît dans ce que tu proposes. Elle peut ainsi être touchée par ta création, et se sentir moins seule dans ses combats."

Les pas qu'il crée sont ainsi directement inspirés de scènes qu'il peut vivre dans son quotidien. 7ven nous raconte une de ses dernières créations. "Notre pas 'Tristar' s'inspire notamment d'une scène que nous avons vécue dans la rue. Quelqu'un armé d'un couteau a essayé de voler nos affaires, et une personne s'est interposée pour nous défendre. Et nous avons assisté à une scène de combat digne d'un film !" Malgré la peur qu'ils ont pu ressentir, la résilience a pris le dessus. "En Jamaïque, on a pour dicton 'prends les mauvaises choses avec humour'. C'est à dire que même si on vit une situation très grave, en rentrant à la maison on va en reparler avec dérision." C'est cette positivité qui leur a donné envie de transformer cette mauvaise expérience. "C'est vraiment intéressant de traduire une réalité en pas de danse ! Et c'est ce qui rend la danse dancehall si particulière, les pas sont directement inspirés du quotidien. C'est comme si une scène était racontée avec le corps et non avec des mots !"

Redonner de la valeur à la création

Pour 7ven, il y a à l'heure actuelle une confusion entre les personnes qui pratiquent une discipline artistique, et les artistes. "Je voudrais que les gens comprennent ce que c'est d'être un artiste. J'aime danser, la danse c'est tout pour moi, mais lorsque je fais une introspection plus profonde, ce que j'aime c'est créer. Un artiste est une personne capable de faire naître quelque chose à partir de rien. Et l'art de créer, c'est ce qui me fait vibrer." 

D'autant que la création dans la danse ne se limite pas aux pas. "Bien-sûr il faut créer des pas, mais aussi mettre en place une atmosphère, un contexte dans lequel on plonge les personnes quand elles viennent suivre le cours." Il aimerait que le système valorise un peu plus les créateurs. "C'est très différent de bien pratiquer un art, et d'être un artiste. Il faudrait que la création soit davantage valorisée."

La résilience comme mot d'ordre

7ven a gardé sa positivité comme boussole tout au long des difficultés qu'il a pu traverser. "Fais ce qui te correspond, et crois en ce que tu fais." Authenticité et estime de soi sont pour lui deux clés de réussite, et d'épanouissement.

Il encourage aussi à prêter attention à son environnement et à éviter les entourages toxiques. "L'essentiel est de s'entourer de personnes qui aiment et valorisent l'art. Quel que soit l'art pratiqué, on se reconnaît entre artistes, car on a la même manière de voir le monde, la même générosité." En s'entourant de personnes qui partagent notre passion et notre vision, on en tire de la force, et de nouvelles inspirations.

Et en ce qui concerne les haters, 7ven reste très bienveillant. "Quoi que tu fasses dans la vie, cela ne plaira pas à tout le monde. Il y aura toujours des gens qui vont t'adorer, d'autres te détester. Si des gens réagissent mal, dis toi juste que ce que tu proposes n'est pas pour eux, poursuis ton chemin et ne lâche jamais."